Les gunas sont des tendances de l’énergie, trois attributs de la nature que sont :
Les 3 gunas sont indispensables, en se mélangeant en différentes proportions ils créent une diversité de formes d’existence.
à travers les éléments
Dans le cycle de l’eau, l’eau passe par plusieurs états (solide, liquide, gazeux). Par exemple, quand l’eau est figée sous forme de glace, c’est tamas qui s’exprime. Si les glaciers fondent des montagnes de manière équilibrée (sattva), l’eau s’écoule tranquillement formant une rivière se jetant à la mer. Alors qu’une eau stagnante (tamas) offre peu de vie et inversement une fonte des glaces trop rapide provoque un mouvement torrentiel (raja) qui peut tout détruire sur son passage.
De la même manière, l’eau de la mer peut passer du calme plat (tamas) à légèrement ondulé, avec des vagues plus ou moins grosses (proportion variée de tamas, raja, sattva) pouvant aller jusqu’au tsunami (raja prédominant).
dans le comportement humain
Ces trois attributs de la nature peuvent aussi s’observer dans les comportements humains comme une énergie qui colore l’être :
- Une personne à prédominance tamasique sera plus stable, enracinée, fidèle, s’attachera aux biens matériels, résistera aux changements, verra les choses de manière plutôt négative, sera plus paresseuse, dans l’attente (des autres qu’ils s’adaptent …), l’illusion, l’ignorance seront le fruit du tamas.
- Une personne à prédominance rajasique verra les choses en sa faveur, sera attachée à l’activité avec passion, créative, osera se confronter, préférera la prétention pour impressionner, ira vers la satisfaction de ses désirs, sera avide, manipulatrice…, la souffrance sera le fruit du raja.
- Une personne à prédominance sattvique ira vers les autres sans attente, avec bonté et contentement, sans hypocrisie, sera patiente, sereine, sage, sans violence. Elle ne sera pas affectée par les critiques, ni les louanges…, la quête de vérité sera le fruit de sattva.
En fait, il ne peut y avoir un guna pur sans les deux autres, tous sont nécessaires comme l’image d’une plante avec des racines (tamas), une tige/des feuilles (raja) et des fleurs (sattva). Les proportions des gunas changent constamment pour répondre à un besoin d’adaptation permanente. Il existe ainsi une diversité infinie de mode de vie. Par exemple lors du confinement, en étant enfermés, coupés de nos liens, en nous obligeant à changer nos habitudes, ça a pu réveiller des peurs et des résistances et nous a entraîné vers tamas. Le confinement a aussi pu nous mobiliser sur des actions plus intenses, plus rapides, nous a obligés à l’inventivité, à trouver un ressort en nous embarquant vers raja. Et puis, ça a pu être une occasion d’être attentif, de voir nos réactions, de prendre du recul et d’aller vers l’équilibre de sattva.
Les gunas ont chacun leur rôle dans le mouvement de la vie. Quand un projet commence par exemple, c’est le raja (action, création, production, force, désir, passion) qui s’active. Mais le raja ne doit pas durer pour ne pas risquer d’exploser. Pour faire durer un projet, le sattva (équilibre, calme, maintien, harmonie) est indispensable. Comme rien n’est éternel dans le cycle de la vie, pour passer à autre chose, le projet a une fin avec l’énergie de tamas (destruction, inertie, ignorance).
Dans le cycle du développement humain de l’enfance à l’adulte jusqu’à la fin de vie, les gunas dominants changent également. L’enfant a besoin de beaucoup de sommeil, il est dans la méconnaissance du monde, dans l’abêtissement de tamas. Un adulte a des obligations pour maintenir la famille et être utile à la société ce qui demande des actions du raja. Il peut aller vers sattva en recherchant l’équilibre, élever sa conscience en choisissant son environnement, en étant en harmonie avec le cycle de la journée des saisons, sans trop consommer de boisson et nourriture excitantes. Il peut en éveillant le regard neutre (drashta) aller vers la connaissance la plus juste de ce qui est, sans jugement ni interprétation de son mental. La sagesse s’installe au fur et à mesure des années, mais un être trop sattvique ou trop tamasique manquera de feu. En fin de vie, la libération est liée à la force de destruction de tamas.
mudra et gunas
Les gunas sont représentés dans Gyana mudra en posture assise de
Un mudra étant un geste symbolique visant à diriger, à faire circuler l’énergie et observer les effets sur notre état intérieur. En redistribuant l’énergie à partir des mains, Gyana mudra renforce l’action des postures de méditation, aide à garder une posture détendue, stable dans un grand laps de temps, et aide à faire naître une ambiance spirituelle. Chaque doigt a sa propre signification symbolique. L’auriculaire représente tamas, l’annulaire rajas et le majeur sattva. L’index est l’égo qui s’incline devant le pouce représentant le Tout. Une autre interprétation est que l’index symbolise jivatma (la conscience individuelle) qui s’unit à paramatma représenté par le pouce (la conscience suprême) pour aller vers la non-dualité. Le dépassement des trois gunas permettrait d’atteindre l’Eveil, la Libération, que la création et le créateur ne fassent qu’un ; « Hari Om Tat Sat » (que le Tout soit).
La Bhagavad-Gita et gunas
Dans le traité védique fondamental « La Bhagavad-Gita », les gunas trouvent leur place dans le chapitre 14.
« 14.20 En transcendant ces trois attributs qui sont à l’origine du corps, le principe incarné affranchi de la naissance, de la mort, de la vieillesse et de la souffrance, fait l’expérience de l’immortalité
14.24 Qui, égal, dans le plaisir et la douleur, ne fait pas de différence entre une motte de terre, une pierre, une pépite d’or, qui, ferme, considère du même œil le plaisant et le déplaisant, l’éloge et le blâme,
14.25 Pour qui estime et mépris sont tout un, qui est le même envers amis et ennemis, qui a renoncé à toute entreprise, celui-là est réputé avoir dépassé les attributs. »
L’objectif de cet article n’est pas de croire ce qui est écrit mais de vous inviter à faire votre propre expérience de méditation et d’avoir votre propre opinion sur les gunas. Le yoga pratiqué avec abhyasa (régularité de la pratique avec détermination, courage) et vairagya (détaché du fruit de ses actions, sans attente) aide à se renforcer pour oser aller voir, comprendre son propre fonctionnement, aller voir les aspects tamasiques, rajasiques et sattviques de son être. Le bien-être n’est pas un but à rechercher, même si des effets équilibrants sur le corps et le mental sont observés de manière indirecte.
Le yoga est un outil pour aller sur le chemin de la connaissance ultime. Pour équilibrer quelqu’un à prédominance tamasique, les asanas et pranayamas sont d’abord pratiqués pour se renforcer, pour accepter la confrontation. En cas d’augmentation du raja guna (désirs à satisfaire), la méditation en conscience avec le drashta éveillé (observateur neutre), permettra d’oser aller voir l’opposé du désir, d’aller voir ce qu’on n’aime pas, ce qui nous fait réagir pour contrebalancer les pollutions rajasiques de l’égo et de son insatiable volonté de satisfaire des désirs. Ne plus se laisser aller vers « Je veux ce que j’aime et rien d’autres » qui amplifie la crise existentielle que nous traversons aujourd’hui. Osez se remettre en question en permanence, osez en sattva aller voir les gunas dans les aspects collectifs également (sociétaux, économiques, environnementaux, politiques, sanitaires…, leurs interactions, leurs conséquences objectives sur la vie), repérer les déséquilibres, voir ce qui est objectif ou subjectif, comprendre pour appliquer, pour se corriger. Le yoga amène à faire des choix pour s’adapter aux changements, à voir ce qu’on peut changer volontairement en soi en fonction de sa propre compréhension, sans chercher à supprimer quoi que ce soit mais voir ce que chacun peut faire de mieux et l’offrir à l’existence.
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