On me demande parfois comment je concilie le yoga et le vin, prof de yoga et ex-œnologue… Oui, durant 10 années j’ai goûté, dégusté, soutiré, filtrer, assemblé, embouteillé, et bu du vin. Du blanc, du rouge, du rosé, du doux, du perlé, du mousseux, des saveurs, des odeurs, des structures, des couleurs, le plaisir des sens… Et aujourd’hui j’enseigne le yoga. D’un côté l’hédonisme, de l’autre l’ascèse. Le grand écart !
Comment je vis la chose a peu d’intérêt en soi, disons qu’il s’agit de petits arrangements avec mon mental entre différentes approches que je vais tenter d’exposer.
Le vin
Déguster un vin est tout un art. Celui des yeux d’abord, comment est la robe ? Quelle teinte, avec quelle intensité et quelle nuance ? Le liquide est-il aqueux ou dense, coule-t-il le long des parois du verre avec viscosité ? Et qu’est-ce qu’évoquent ces observations ?
Le humer ensuite en le mettant doucement en mouvement de rotation dans le verre pour l’oxygéner, le faire respirer en somme… Et mettre des mots sur des ressentis pour décrire. Quiconque s’est déjà amusé à cet exercice de description sait qu’il suffit que quelqu’un autour de la table parle d’arôme d’abricot, pour que tout le monde trouve cet arôme d’abricot. Difficile de rester neutre, de ne pas se laisser influencer par une idée qui nous parvient de l’extérieur. L’interprétation du stimuli olfactif est immédiatement impacté par notre mental.
Puis le mettre en bouche, les arômes à nouveau et puis les saveurs : sucré, acide, amer, astringent… Est-il corsé, rond, plat, subtil ou grossier ? Comment réagissent mes papilles, mes gencives ? à quoi suis-je sensible ? Suivant la finesse des sens et la manière dont chacun est connecté à ses sens, la description sera différente.
Et puis vient le jugement « j’aime / je n’aime pas », et l’œnologue de rajouter « c’est bien fait / c’est pas mûr, trop ceci ou trop cela, le vigneron aurait dû blablabla… ».
Nous parlons donc ici, avec la dégustation du vin, d’une concentration sur les sens. Je n’ai pas parlé du sacrosaint « pop » du bouchon libéré du goulot mais chaque français voit bien de quel plaisir il s’agit, déjà à même de nous faire saliver, de même que le pétillement du champagne remplissant une flûte… Il s’agit donc d’une concentration intense sur les 5 sens avec l’objectif de décrire le ressenti de manière neutre. Un bel exercice de yoga en somme !
Mais mais mais mais…
Le yoga
Il y a cette conclusion « j’aime / je n’aime pas ». Et là, patatras !…
Pour le yogi c’est ce jugement qu’impose le mental de manière automatique qui est source de souffrance.
Imaginez : vous êtes au restaurant et commandez une belle bouteille pour vous faire plaisir pour une fois. Le vin arrive, il n’est pas bouchonné, mais vous ne l’aimez pas. C’est comme ça, l’oenogue a beau dire qu’il est « bien fait », vous, vous n’aimez pas. Impossible donc de le faire remplacer par un autre vin. Déception, peut être colère contre le restaurateur et sa carte des vins onéreuse, et même amertume d’avoir cassé votre tirelire pour quelque chose qui n’en valait pas la peine. Vos sens ont amené une souffrance.
Mais imaginez que ce vin vous plaise, il est délicieux. Formidable ! C’est un tel plaisir qu’avant le fromage vous en commandez une seconde bouteille. Vous sortez de table titubant, vos sens et votre intellect sont au ralenti et vous vous réveillez le lendemain avec la gueule de bois. Vous vous sentez minable. Vous avez été violent avec votre corps. Vos sens vous ont mené par le bout du nez (c’est le cas de le dire) et ont amené une souffrance.
Et du point de vue du yoga perdre le contrôle de soi est au strict opposé du but recherché : c’est-à-dire être en conscience, au contact de Soi, totalement présent à l’instant, connecté au subtil.
Aussi puisque le vin agite le mental et que le yogi cherche précisément l’arrêt de ses fluctuations, pour le « pur » yogi le vin est prohibé.
Il y a heureusement des tas de nuances entre les deux situations extrêmes décrites, le petit vin sympa et pas cher dont vous buvez raisonnablement 2 petits verres pourrait être une situation parfaite. Dans ce cas-là vous avez agi raisonnablement compte tenu de vos moyens, vous n’ajoutez donc pas à votre vie une source de stress, vous avez même choisi un vin bio, produit par un vigneron respectant le vivant, vous avez gardé le contrôle de votre être toute la soirée, vous avez été capable d’être à l’écoute de vos ressentis, vous savez comment réagit votre corps et vous avez adapté votre comportement. On pourrait dire que vous avez une attitude qui tend à être en conscience, sur la voie du yoga.
Mais mais mais mais…
l’Ayurvéda
Le vin est une boisson fermentée, acide (pH entre 3 et 4, les blancs étant plus acides que les rouges), amère parfois (là l’œnologue dit « pas mûr »), plus ou moins astringente (plus pour les vins rouges et ceux élevés en barriques), plus ou moins sucré, et contenant des toxines (tel l’alcool et les sulfites). L’Ayurvéda dit que le mauvais usage de l’alcool engendre et/ou amplifie la peur, le chagrin, la colère, et amène la maladie et la mort.
Hum. Pas terrible.
En ayurvéda le « vin » peut être un médicament, il est administré comme tel dans des situations spécifiques à raison de quelques cuillères diluées dans de l’eau. Pour le côté plaisir ça n’est donc pas ça.
Voyons quel pourrait être le comportement des différentes constitutions vis-à-vis du vin :
Si vous êtes Kapha, gourmant, aimant les repas de famille, le vin aura la part belle chez vous pour son côté festif. Cela pourrait aussi être la routine d’un petit verre de vin systématique avant le repas…
Si vous êtes Vata vous pourrez facilement vous passer de vin mais aussi vous mettre soudainement lors d’une soirée à boire pour faire l’expérience de sensations extrêmes, ou vous aider à faire face à vos angoisses et cela pourrait, plus facilement que d’autres, vous amener dans l’addiction.
Si vous êtes Pitta, sous pression toute la journée, vous êtes tenté de faire baisser la tension avec un bon apéro au retour du travail ou de soirées chaleureuses bien arrosées entre amis.
Dans tous les cas la modération est de mise et ce d’autant plus que vous ne vous sentez pas en forme, fragilisé.e, un déséquilibre en amenant un autre. Si vous êtes en colère, anxieux, agité une séance de yoga, de méditation, vous sera plus bénéfique qu’un verre de vin qui viendra amplifier votre mal-être.
Mais mais mais mais…
Les français
France terre viticole. Le vin fait partie de notre culture. Un repas entre amis sans vin est pour beaucoup comme un jour sans soleil…
Si vous êtes un yogi accompli vous êtes en joie, vous ne ressentez pas le besoin d’alcool. Mais imaginez qu’un ami ouvre pour vous une bonne bouteille pour votre anniversaire, refuser un verre de vin peut être une violence pour lui, et si vous êtes aspirant yogi vous êtes en quête d’ahimsa, la non-violence, sous toutes ses formes. Donc vous acceptez un petit verre. Mais vous êtes aussi dans l’écoute et le respect de votre corps donc vous savourerez votre verre en conscience, et vous boirez avec modération pour ne pas perdre le contrôle de vos sens, de votre intellect, de votre discernement. Vous ne vous laisserez pas embarquer par vos sens dans une quête de plaisir qui vous laisserai dans un chaos mental et physique (déséquilibre Vata), et qui pourrait même vous mener à la dépendance.
Vous pourrez peut-être aussi adapter le vin que vous dégustez à votre constitution ayurvédique :
Le vin avec sa chaleur (due à l’alcool) et son acidité va aggraver Pitta. A consommer donc pour les déséquilibres Pitta avec grande modération et en évitant les périodes chaudes. Préférer les vins rouges (moins acide), peu alcooleux, légèrement doux, et bu plutôt frais. Pitta pourrait donc boire des côtes du Rhône rouge mais désalcoolisés (sacrilège!), ou des vins rouges du nouveau monde à la fois corsé et avec une bonne sucrosité, en veillant à ce que le taux d’alcool ne soit pas trop élevé (ce qui est quasi impossible), et les buvant frais ce qui confère aux tannins une astringence désagréable… bref, pas terrible.
Vata ira plutôt vers des vins doux (légèrement sucrés) et acides, donc plutôt des vins blancs, il évitera les rouges tanniques, astringents, alcooleux mais aussi les vins à bulles. Et il évitera aussi de boire son vin trop froid. Vata pourrait donc aller vers des vins liquoreux, du type coteaux du Layon mais à ne pas boire froid, ils sont alors écœurants… bref, pas terrible.
Kapha évitera les vins lourds, très alcooleux ou sucré, de même que les vins acides. Il ira plutôt vers des vins rouges légers. Kapha le chanceux pourrait donc boire des rouges de Bourgogne,… mais Kapha a tendance à prendre facilement du poids, le vin et lui ne font donc pas bon ménage.
Pour tous enfin: éviter l’alcool en été, il est chauffant et donc renforce les déséquilibres Pitta de l’été. Le vin est aussi séchant, Vata devra plus que les autres prendre soin de boire de l’eau, mais cela vaut pour tous (un verre d’eau pour un verre de vin à minima).
Allez, santé bonheur ! et conscience jusqu’au bout du nez…
Vata, Pitta, Kapha en (très) bref…
ce sont 3 principes que l’on retrouve chez chacun d’entre nous en plus ou moins grande proportion.
Vata a beaucoup d’air en lui, de légèreté, de froid, il aime les expériences intenses, déséquilibré il est anxieux. L’amertume, le piquant et l’astringence le déséquilibrent, la douceur l’apaise.
Pitta a beaucoup de feu en lui, de l’énergie, de la chaleur, il aime avoir des objectifs, des responsabilités, déséquilibré il est en colère. L’acide, le piquant, le chaud le déséquilibrent, la douceur l’apaise.
Kapha a beaucoup de matière, de ressource en lui, il est stable, déséquilibré il s’enferme dans une routine léthargique. Le doux et l’acide le déséquilibrent, l’amer et l’astringent l’apaise.
Pour en savoir plus sur l‘ayurveda c’est ici.
A propos de l’auteur
Agathe
Elle s‘est formée d’abord en Inde où elle a vécu 2 années et a découvert la philosophie du yoga, cela a modifié profondément sa vision de l’existence.
De retour en France, elle se forme à un yoga traditionnel dans la lignée Satyananda. Elle s’y est formée au Hatha-Yoga, Kundalini Yoga et Raja Yoga.
Elle a suivi également un enseignement au Yoga du Son auprès de l’Institut des Arts et de la Voix.
Elle poursuit son cheminement avec l‘Ayurveda, science de le Vie, une approche de tous les aspects de l’existence pour vivre en pleine forme, en harmonie avec l’environnement et ses aspirations profondes.
Elle se consacre pleinement au yoga et à son enseignement depuis 6 années.
Son enseignement est doux, accessible à tous, il met l’accent sur l’intériorisation.
Agathe 06 52 58 97 51
agathe@larbre-yoga.fr