Au milieu d’une jungle…
Au milieu d’une jungle je me trouve seule avec pour compagnon une serpe à la main. C’est une nouvelle expérience, je suis satisfaite d’apprendre à me servir de cet outil qui m’était encore inconnu. Il n’y a rien autour de moi, pas un humain, pas un village. Juste une forêt dense, une végétation abondante qui m’empêche d’avancer. Je force sur mes bras en tenant la serpe à deux mains pour trancher des branches à la verticale, de côté, à droite, à gauche, à l’avant. J’avance mais c’est une épreuve difficile. Je galère, je fatigue, même si petit à petit la voie s’ouvre devant. Je me fraie un passage étroit puis de jour en jour le chemin s’élargit. J’avance plus vite en empruntant ce même axe. Manier la serpe, ça je sais faire maintenant, je ne me blesse plus, je maîtrise, je contrôle, ça m’est plus facile. Je répète tous les jours les mêmes gestes sur cette même route … mais pour aller où ? Je commence à perdre pied, mon mental propose et contre-propose. Je crie, je jalouse d’autres vies.
Parfois je croise une rivière qui m’apporte l’eau dont j’ai besoin avec des poissons. Mais cette rivière bloque ma route, je m’énerve. Je la contourne ou je recule et je reprends, je continue de couper des arbres luxuriants, toujours la serpe dans les mains. Je me sers de l’eau et du bois pour me chauffer, pour cuisiner. Mais cette nourriture et cette odeur de fumée finissent par me dégouter. Je tourne en rond, je fais toujours la même chose, la routine s’installe, je n’ai plus de satisfaction de rester là à vivre sur mes acquis, ces habitudes m’oppressent.
Un arbre majestueux, bien enraciné, m’offre en son socle une légère courbure faisant office d’assise. Au contact de la terre, contre ce vieux chêne, je fais le vide. Je me sens bien, je suis détendue, calme, immobile. Je médite. Je vois mes comportements, mes émotions, mes douleurs physiques. Je médite encore, je médite tous les jours. Je prends conscience petit à petit de mon entêtement à fuir les obstacles. Je continue de méditer sur différents thèmes, comme les opposés en moi (paresse/effort ; faiblesse/force ; tristesse/satisfaction ; crainte/courage ; anxiété/confiance ; colère/contentement ; contrainte/liberté …). Je me relâche de plus en plus, apaisée, plus tolérante, je sens un lien se créer avec cette nature, je ressens une nouvelle force s’éveiller, l’énergie de tous les potentiels. Et une révélation apparait comme une évidence. Les obstacles rencontrés sont là pour me faire grandir, pour me dépasser et rendre possible l’impossible.
Je me mets au travail, je suis déterminée, j’ai la volonté de vivre pleinement. J’arrête de prendre des chemins de traverse, je fais face aux obstacles et m’y confronte. Je réfléchis autrement et au lieu d’utiliser la serpe pour avancer, je vais m’en servir pour m’élever. Je coupe, j’empile, je relie des morceaux de bois et une tour apparaît devant moi petit à petit. Je grimpe, je monte encore, je prends de la hauteur, je dépasse le sommet de la canopée.
Et là depuis ce nouveau point de vue, je découvre que je me trompais depuis le départ. Je croyais tout savoir mais je ne pouvais pas avoir de « vision juste » centrée sur moi-même. Je suis convaincue à présent qu’il y a en fait, Tout, autour de moi. Je vois toute la nature ouverte avec des insectes comme les coléoptères, je vois des mousses et lichens comme nouvelle végétation, des collines au loin, des vallées emplies d’animaux en liberté, des montagnes, des rivières, un fleuve se jetant dans la mer. Je vois le soleil, des oiseaux multicolores dans le ciel lumineux. Je suis aussi entourée de villages, d’autres hommes. Je ne suis pas seule. Je vais pouvoir tisser des liens, partager des connaissances, apprendre d’eux et transmettre l’émerveillement, le respect de la nature, je veux leur donner goût aux choses simples.
Ohhhh là là. Attention ! Je m’observe penser et je me vois repartir dans des attentes, dans des illusions. Je m’entends alors dire « Vis plutôt chaque instant comme un cadeau, une nouvelle expérience à accueillir pour grandir, applique à toi-même ce que tu aimerais voir changer ».
A propos de l’auteur
Dragana
Elle est professeur de yoga , formée au près de l’école de yoga Saraswati, dans la tradition Satyananda.
Dragana 06 21 01 27 55
dragana@larbre-yoga.fr